MORONOBU (HISHIKAWA)

MORONOBU (HISHIKAWA)
MORONOBU (HISHIKAWA)

Hishikawa Moronobu eut une influence décisive sur l’Ukiyo-e: après avoir puisé ses sources dans la peinture de genre, ce mouvement prend avec lui visage d’école. Il en fut d’ailleurs plus le formateur que le fondateur.

Son style, parfaitement adapté aux sujets qu’il traite, est à la fois une synthèse des tendances hybrides du jeune mouvement et une assimilation intime des traditions classiques et modernes. Quant à ses thèmes, qui appartiennent à la vie hédoniste des milieux roturiers d’alors, ils s’étaient lentement formulés chez ses précurseurs directs et à travers la peinture de genre.

Moronobu confirma l’Ukiyo-e dans sa double vocation: peinture et xylographie; la première seule lui assura rang d’école, tandis que la seconde lui ouvrait un champ inédit d’épanouissement et de gloire.

Cependant, si le terme ukiyo-e apparaît pour la première fois en 1681 pour caractériser leur esthétique, ni Moronobu ni ses successeurs directs n’eurent conscience de la nouveauté de leur école. Au contraire, en signant fièrement «peintres du Japon» (Yamato eshi ), ils professaient par là leur attachement à la tradition japonaise la plus classique et leur volonté de la faire renaître pure et débarrassée des conventions que les siècles avaient accumulées.

Le talent du peintre de genre

D’un artiste au rôle si capital pour l’art japonais, on sait fort peu de chose. On a retenu le lieu de sa naissance, Hota en Awa (aujourd’hui Chiba), mais la date reste controversée. Son père ayant été brodeur assez réputé, Moronobu fut probablement entraîné, dès son très jeune âge, à ce métier autant qu’à la peinture. Il partit pour Edo entre 1658 et 1670, s’y établit et semble alors s’être voué exclusivement aux arts graphiques.

Sa formation artistique reste mal définie. Fut-elle entreprise dans les ateliers des Kan 拏 d’Edo et poursuivie à Ky 拏to? L’écho produit par son œuvre dans les cercles de la vieille capitale induit à le croire, mais l’hypothèse n’est pas autrement étayée. Quoi qu’il en soit, son œuvre prouve une culture très étendue: une diversité de styles et de techniques qu’il puisa à toutes les académies anciennes et modernes, et, surtout, une solide formation dans les traditions Kan 拏 et Tosa.

Si l’œuvre peint de Moronobu relève de la peinture de genre contemporaine, il accuse une facture et une qualité assez rares dans cette école. Dans cet ensemble, quantitativement peu important, Hokur 拏 oyobi gekijo zukan (rouleau illustré des Tours du Nord et des théâtres , 1672-1689) est l’œuvre qui illustre le mieux le talent pictural de Moronobu. Les sept scènes qui subsistent dénotent une observation innée, à la fois sensible et objective, un coloris recherché dans sa richesse, un dessin vigoureux autant que souple. Ses compositions ont perdu, il est vrai, la force primitive des premières peintures de genre, leur explosion de couleurs et leurs grands effets décoratifs; mais elles y gagnent le raffinement, la justesse de ton, l’intériorité, l’homogénéité et le dynamisme. Ici, chaque figure prend toute son importance dramatique; intimement liée aux autres, individualisée et non plus typée, elle exprime des sentiments personnels et une vie propre. Sous le pinceau de Moronobu, chaque détail acquiert une valeur essentielle et nécessaire à l’ensemble.

Le génie de l’illustrateur

S’il fut remarquable comme peintre, Moronobu conquit une célébrité inaltérable par son œuvre gravé. De 1670 à 1685, il paraît y avoir consacré le plus clair de son temps. Il fut d’ailleurs l’un des illustrateurs les plus féconds de toute l’histoire de l’ukiyo-e : on ne dénombre pas moins de cent cinquante ouvrages auxquels il collabora en dix ans. Il y aborda les sujets les plus divers, depuis les conseils horticoles jusqu’aux scènes amoureuses, celles-ci formant une part plutôt restreinte.

Les débuts de la xylographie profane remontent aux environs de 1600. Dans un écart croissant d’avec les traditions classiques, elle évolua comme la peinture de genre, à la recherche d’une expression personnelle. C’est surtout à Edo, après le grand incendie de 1657 qui fit disparaître toute trace de publication illustrée, que se dessine le style de l’ukiyo-e . Encore mal affermi et quelque peu grossier, il progresse pendant les années 1660, surtout à travers les manuels de sexualité et les recueils critiques des courtisanes. Mais il lui manque un chef de file. Parmi les ouvrages les plus anciens et les plus beaux de style ukiyo-e , il faut citer Yoshiwara makura (L’Oreiller de Yoshiwara , anonyme, 1660): cet ouvrage annonce Moronobu par la grâce du trait et le soin de la composition. Beaucoup d’historiens d’art le lui attribuent d’ailleurs, ainsi qu’un bon nombre des illustrations produites au cours des années 1660. Mais on ne peut retracer sûrement l’itinéraire artistique du maître qu’à partir de 1672, avec sa première œuvre signée: Buke hyakkunin isshu (Les Cent Poètes guerriers ).

Moronobu est arrivé à point nommé pour unifier les diverses tendances suivies en xylographie. Bien plus, il va fixer l’idéal d’une époque. Si, pour commencer, il s’inspire de ses devanciers anonymes d’Edo, très rapidement il atteint un style personnel, dégagé de toute gaucherie. Quel que soit le sujet abordé, on sent la recherche du beau, non pas la joliesse facile. Il met au point l’inimitable «ligne chantante» sans raideur ni sécheresse, ondoyante, dynamique et vigoureuse, qui délimite les plans autant qu’elle traduit l’émotion. Ses œuvres offrent, dans leur densité, des contrastes si puissants que le trait noir et le papier blanc rendent la couleur superflue. Et dans les quelques cas où l’on a colorié les estampes de Moronobu, le pouvoir de suggestion s’en trouve amoindri.

Moronobu fit peu d’ichimai-e (estampes séparées), jamais signées, tandis qu’il pratiqua abondamment un genre intermédiaire entre l’illustration et l’estampe volante: l’e-hon (livre d’images). Cette forme d’art, typiquement et exclusivement japonaise, consiste en une succession de gravures, liées entre elles par un thème très lâche, le texte étant réduit à l’extrême, quand il ne fait pas défaut. Avec ses visées artistiques et non plus littéraires, l’e-hon exigeait soin et beauté; Moronobu lui donna la perfection.

Alors que la peinture ne s’adressait qu’à une élite fortunée, que les ichimai-e , généralement érotiques au XVIIe siècle, avaient leur public réservé, aisé en tout cas, l’e-hon se trouvait être la forme d’art la plus démocratique. Dans l’immense contribution de Moronobu à ce genre, d’aucuns discernent une intention de mettre l’art à la portée de tous, un souci d’éduquer le peuple.

À l’inverse de ses précurseurs qui, pour la plupart, ne sortirent pas de l’anonymat, Moronobu imprima à l’Ukiyo-e une marque durable. C’est à lui que revient l’honneur d’avoir posé solidement les assises du jeune mouvement, car il y fut probablement le premier maître à former des élèves et à laisser un atelier. Aussi son style, loin de s’éteindre avec lui en 1694, allait-il inspirer des générations d’artistes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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